leblogdeMonsieurDupont

Psyko-Land

Lundi 10 mai 2010 à 17:22

     "Quand je rouvris les yeux, il faisait sombre. La première chose que je vis, c'était Florence qui me dévisageait depuis l'autre oreiller. Je la regardai moi aussi, un long moment les yeux dans les yeux. D'habitude, ça me met mal à l'aise.
     C'est ce qui me décida à lui balancer une proposition radicale.
     -Dis, Florence. Ce week-end, si on faisait le test du sida ?
     Elle se souleva de l'oreiller et se pencha pour m'embrasser. Après tout, de nos jours, c'est le truc le plus romantique qu'un type puisse dire à une fille."


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Dimanche 21 juin 2009 à 19:35

     Dans le livre, le héros est Carmody, un évadé d’asile psy londonien, de retour dans son Australie natale. Sa mère vient de décéder et sa dépouille produit miracle sur miracle, ainsi que les fragments de la Sainte Clôture sur laquelle elle a rendu son dernier souffle. Un ordre de bonnes sœurs aux mœurs très… « modernes » protège la dépouille et veut la sanctifier pour en faire le nouveau miracle du Lourdes Australien (business is business). Mais un autre ordre de nonnes, commandité par la C.I.A dans le but de garder l‘Afrique miséreuse, a kidnappé la défunte. Carmody s’est réfugié chez son vieil ami Al, qu’il revoit pour la première fois depuis six ans, et lui explique son affaire. Intervient alors un autre ami d’Al, le dénommé Abe. Abe est un Juif Noir Aborigène nomade qui vient de créer une pièce de théâtre bourrée d’allégories sur le massacre aborigène, à base de dingos géants blancs, pièce qu’il était en train d’expliquer à Carmody.

     -Oui, sûrement, commença Carmody qui ne savait quoi dire et qui fut opportunément tiré de son embarras lorsque le Noir s’effondra brutalement sur le sol.
     Ils l’installèrent sur une chaise, lui donnèrent un coup à boire et Abe récupéra rapidement.
     -Désolé, Al, c’est encore cette histoire d’alimentation.
     -Abe n’arrive jamais à décider s’il doit manger ou non, expliqua Al.
     Abe posa sur Carmody un regard légèrement voilé.
     -C’est vraiment un sacré problème, pour moi. Un problème eschatologique. Si tu ne manges pas, tu meurs ; si tu manges, tu meurs quand même. Ca prend simplement plus longtemps et c’est moins désagréable mais, au bout du compte, ça revient au même. Si bien que ça paraît vain de s’alimenter. Tu saisis ?
     Carmody opina. Ce genre de choses, qui mettaient en évidence des formes de folie encore moins justifiables que la sienne, lui donnaient du tonus.

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[Mouwa
]

Mercredi 6 mai 2009 à 18:09

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Lundi 13 avril 2009 à 22:33


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     Cours de français. La prof, très (trop) généreuse, a décidé de nous offrir un package de quatre heures de cours dans la même journée pour, dit-elle, « boucler le programme ». C’est trop gentil, merci. Et pendant que je crève d’ennui sur ma chaise, noyée dans mes songes, insensible, ladite prof s’applique à disséquer les plus beaux textes de la littérature française avec une précision chirurgicale. Les mots sont alors dépossédés de toute leur magie, les phrases perdent leur sens, c’est la beauté sacrifiée au profit du savoir. Depuis toujours, on nous inflige ces exégèses sans queue ni tête qui transforment les plus belles phrases en couteaux tranchants, dangereux et tristes. La magie s’efface et les perles roulent dans la fange : on part alors à la chasse aux figures de style, aux allitérations, aux assonances, quête frustrante où la réalité l’emporte toujours sur les rêves.
     Rimbaud ou Lamartine n’auraient sûrement pas voulu que l’on fasse de leurs poèmes ces tombeaux où l’on balance impunément les vocables morts, ces rings où s’affrontent sans pitié consonnes et voyelles, ces étals où l’on expose fièrement les viscères froids de leurs plus belles pensées. Non, ils auraient sans doute préféré que l’on s’imprègne de leurs mots, que l’on déguste cette magie de la littérature qu’ils nous offrent sans attendre de retour, que l’on trouve en leurs phrases une formidable catharsis : qu’il y a-t-il de plus beau en effet, pour un écrivain, que de savoir que ses mots aident à résorber la souffrance de ceux qui la lisent ?
     Pendant que mes camarades et moi gémissons de douleur, penchés au dessus de l‘intrigue inexistante de Pierre et Jean, la prof se fait chercheur d‘or et nous entraîne dans sa quête de la métaphore, de l‘asyndète, de la litote, de l‘hypallage, et autres malsaines pépites. L’école nous a appris à considérer la littérature comme un sacerdoce, science inversée de celle des artistes qui n’ont pas de réponses à donner, mais des milliers de questions à poser. Les livres se font champ de bataille, les mots, cadavres sanglants. Les mondes imaginaires que nous offre la littérture restent alors suspendus dans le lointain, couverts d’une poussière étrange, leur porte hermétique close.
     Je ressortais des cours lasse et fatiguée, sans comprendre pourquoi l’école, sous couvert d’épanouir ses élèves, se borne à leur faire étudier les livres les plus chiants de la littérature. Nos désirs fragiles, nos hésitations à pénétrer dans le sanctuaire des grands auteurs sont balayés : c’est par la grande porte que nous sommes forcés d’entrer dans l’univers magique et austère des mots, là où les livres agissent comme des coups de poignard.

     La littérature est mon refuge, le socle de mes émotions, le piédestal de mes pensées : combien de fois ai-je admiré tel ou tel auteur pour sa prose, ses aphorismes, ses fulgurances poétiques, ses éclairs dans un ciel trop vide, pour cette douce échappatoire qu’il me proposait !
     J’aime que le mot, avant d’être un refuge, soit un palindrome : une arme et une caresse tout à la fois. Et pourtant je comprends l’aversion de certains pour les lettres. L’école ne nous a jamais appris à nous lier d’amitié avec les livres, à nous en faire des compagnons de voyage, des maîtres de liberté : c’est sous son jour le plus austère qu’elle aprésenté la littérature, et l’exode de toute une génération ayant fui l’imaginaire pour l’art consommatoire ne lui en est que plus imputable.

     Ma culture littéraire est basée sur un mensonge : bien sûr, les grands ouvrages de la littérature ne me sont pas étrangers, mais j’avoue sans honte ne pas les avoir lus. J’ai pourtant essayé, je le jure ! J’ai serré dans mes mains les plus beaux livres pour m’en faire des compagnons de voyage, j’ai tenté de m’accrocher à cette mythologie intellectuelle, à cette invisible splendeur que l’on m’avait promise, à ces phrases gravées dans l’histoire du monde, j’ai essayé de me persuader de leur beauté, de leur profondeur, de leur vérité universelle. Et puis, à la fin du combat, j’ai sombré dans un irrémédiable ennui, marquée au cœur par les séquelles blanchâtres, assurément triste d’avoir échoué dans ma quête. Nourrie à la littérature moderno-trash du troisième millénaire, amoureuse du cynisme, de l’absurde, de la violence verbale et du nihilisme vomitif d’une nouvelle génération d’écrivains, je glisse sur le génie des (m’a-t-on dit) grands auteurs. Mea culpa : mon amour de la littérature est tristement béotien. Il est pourtant de bon ton, à notre époque, de se retourner sans cesse sur le passé : oh comme c’était mieux avant ! comme les écrivains étaient doués ! comme leurs écrits étaient jolis, profonds, recherchés ! En matière d’art, la qualité ne se conjugue qu’au passé. Les génies sont morts, et personne n’a été foutu de prendre la relève : alors baladons-nous dans les cimetières, exhibons les cadavres, humons l’odeur de charogne qui plane sur ces spectres blafards ! Mais à trop se pencher sur la mythologie du temps passé, on en oublie les victoires du présent. On apprend aux écoliers candides à discerner le vrai du faux, le réel de l’artificiel, la merde de la qualité. La liste des auteurs immortels est longue, et surtout imposée : c’est un point à la ligne, une absence de contestation, un déni de l’esprit critique : pensez comme nous et vous serez récompensés. Et l’on se sent alors tellement sot de préférer ses bouquins de science-fiction à un roman du XIXème siècle, tellement coupable d’éprouver plus de plaisir à lire un Harry Potter qu’un Madame Bovary ! Citer les grands auteurs, rien de mieux pour épater son interlocuteur ; se vanter d’avoir fini le dernier roman de Marc Lévy, idéal pour le faire fuir. La contemporanéité n’est pas sèrieuse : elle est poussiéreuse.

     Ah ! Tu connais pas Voltaire ? Comment ça, tu n’as jamais lu Eugénie Grandet ? Airs déçus, parfois méprisants, sentiment de supériorité culturelle. Je ne supporte pas l’idée de lire pour répondre à une demande, en l’occurrence celle de la culture, lire pour être moins con, lire pour pouvoir briller dans les cocktails, moi j’ai lu ci, moi j’ai lu ça, c’est Machin qui a dit que, et comme l’a écrit Truc… De la bave intellectuelle. Pour moi la lecture se base uniquement sur le plaisir : qu’importe si le bouquin a été dégommé par les critiques littéraires de Télérama puis rangé dans la catégorie « roman de gare pour veaux satisfaits » pourvu que ses mots m’apaisent.

     Nous sommes, pauvres adolescents désoeuvrés, à des milliers de kilomètres d’une princesse de Clèves ou d’un Julien Sorel. Les « grands écrivains » savaient disserter sur le sens de l’existence, mais ne nous tendront jamais de perches pour nous sauver de la noyade, à nous qui ne désirons que du sang, des brûlures, de la vérité. Nous utilisons les mots comme des armes : l’idée qu’un livre puisse se faire le médiateur de nos combats nous est complètement étrangère.
     Je ne lirai jamais Balzac, je ne lirai jamais Zola, je ne lirai jamais Nerval. Je n’aurai jamais la culture nécessaire pour pouvoir rivaliser avec ces intellectuels hitlériens qui se gaussent de l’ignorance de la plèbe, elle qui n’a jamais consenti à se prendre la tête pour déchiffrer les axiomes masturbatoires d’une génération de philosophes méprisants. Je ne serai jamais concernée par les débats d’idées que certaines émission littéraires organisent parfois, grandes foires au voyeurisme où le but du jeu est de démontrer, à grands renforts de citations littéraires, qui a la culture la plus étendue et la plus grosse quéquette.
     Quelle déception ! Je resterai à jamais ce mignon bibelot inculte, que l’on pose dans son salon pour faire joli. N’oublions pas que le monde des femmes se divise en deux : les bimbos sexy mais connes et les intellos moches que personne ne baise. Il ne me reste plus désormais qu’à acheter les livres de Marc Lévy, vernir mes ongles de rose, accrocher des reproductions d’art à mes murs, pousser des cris de chatte en chaleur dès qu’un individu de sexe masculin ouvrira la bouche, porter des jupes aussi longues qu’un cache-sexe, brancher mon aspirateur, et je serai une femme accomplie.

Lundi 13 avril 2009 à 22:22

     Deux extraits :
 

     Les adolescents se veulent tous des rebelles, mais cette quête est vaine. A partir du moment où papa-maman sont encore là pour nous préparer des frites et nous conduire au cours de guitare, où nous nous efforçons tant bien que mal d’ingurgiter nos leçons pour ne pas de faire taper sur les doigts lorsque atterrira le bulletin dans la boîte aux lettres, où nous nous agenouillons devant nos profs trop heureux de pouvoir user de leur autorité et où nous acceptons la perspective future d’un destin pathétiquement ordinaire ( je serai dentiste pour faire plaisir à mon papa et j’apprendrai à jouer de l’accordéon pour ressembler à ma grand-mère), la dissidence prend un autre visage : celui de la sujétion pure et simple. Il est trop facile de noyer son sac à dos sous un vomi de « Fuck the world » rageusement tracés au blanco et de porter ses convictions - liberté, égalité, fraternité et légalisation du shit - en étendard (c’est-à-dire sur ses fringues, son sac, son blog et éventuellement sa peau) tout en manquant de faire dans son froc lorsque nos potes nous forcent à sécher le cours de maths (« mais que va dire maman? »).
     Tous semblent croire qu’il suffit de porter un bracelet à clous ou d’écouter du métal nihiliste pour gagner ses galons d’anticonformiste séditieux (avec des mots compliqués, c’est facile de se créer une identité !). […] Indociles en plastique, faux révoltés moulés dans le plâtre du conformisme, ils ne font en réalité que suivre la mode pour avoir l’air cool et pouvoir dire fièrement qu’eux aussi ils fuckent la société et l’autorité parentale - ce qu’ils ne précisent pas, c’est qu’une fois rentrés chez eux, leurs parents les mènent à la baguette.
     Sacs à dos noyés sous les fuck the system, trousses customisées avec divers matériaux de récupération, bracelets de force, maquillages dégoulinants de révolte artificielle : la panoplie de tout adolescent normalement constitué est riche en accessoires subversifs, censés contester l’autorité parentale et/ou professorale.
     Mais si l’on gratte un peu le vernis, on se rend vite compte que tout ça n’est qu’une posture, une façon comme une autre de gueuler au monde que l’on existe. Nous emmerdons la société de consommation, mais nous lui sommes bien reconnaissants de nous fournir nos colliers à clous : et si nous sommes unanimement d’accord pour dire que l’école, c’est de la rigolade, cela ne nous empêche pas d’avoir mal au ventre la veille du contrôle de maths.

 

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    Déjà, je trouve plutôt grotesque que l’adolescence ne soit analysée que par de gentils dinosaures d’une cinquantaine, voire d’une soixantaine d’années, donc ayant selon toute probabilité oublié depuis longtemps comment on voit le monde avec des yeux de quinze ans. Le monde dans lequel (sur)vivent les jeunes est un monde nouveau : comment la compassion simulée d’une armée de vieux cons peut-elle donc savoir quel effet ça fait d’avoir quatorze ans et le cœur lourd, quel effet ça fait d’avoir quatorze ans à l’ère de l’exhibition technologique, de la démocratisation du sexe publicitaire et du paradoxe de la décence indécente, une époque qu’ils ne voient qu’avec des yeux d’adulte ? Eux ont eu notre âge à une époque où le monde était différent. Ils ont traversé des zones de turbulences, mais ce n’étaient pas les mêmes que les nôtres.
     Quand les adultes cesseront-ils de faire de la jeunesse un monde manichéen, un dyptique malsain de braises ardentes, séparé par une ligne Maginot délimitant l’Eden de l’enfer ténébreux : d’un côté le monde des « jeunes qui vont bien », ramènent de bons bulletins et ne se déplacent jamais sans une cohorte d’amis décoratifs, et le monde des « jeune suicidaires », qui garnissent leurs journaux intimes de poèmes morbides et passent leurs mercredis après-midi à faire du sacrifice de chauve-souris dans les cimetières ?
     […]
     Je trouve plutôt désopilante la façon dont les psychologues se bornent à analyser l’adolescence. Ainsi donc nous serions tourmentés par les changements de notre corps, désespérés par la cruauté du monde et rebutés par l’avenir : les transformations pubertaires traumatisent peut-être une minorité de gamins, mais croyez bien que la plupart d’entre nous débouchent le champagne lorsqu’ils s’aperçoivent qu’ils ont enfin des poils dans le slip - et que les impubères complexent sérieusement face à l’avalanche nouvelle de soutiens-gorge taille 75-A et de jambes velues. Sachez aussi que la cruauté du monde nous scandalise, mais qu’elle est loin de nous faire souffrir : nous sommes nés avec un alibi sanguinolent, l’ère de l’universalisation du porno, des images meurtrières, du voyeurisme de l’information, des SMS surtaxés, des sollicitations perpétuelles du client transformé en pigeon, du marketing à grosses ficelles. Habitués à être agressés par une profusion de panneaux publicitaires où des salopes réifiées vantent le nouveau shampooing Truc ou la nouvelle crème Bidule, habitués aux mauvaises pensées, aux mauvaises images, aux mauvaises idées, les perspectives de fin du monde ne nous font ni chaud ni froid. Nous sommes la génération anesthésiée.
     La transition enfance adolescence est indéniablement douloureuse, mis pas de quoi rameuter Marcel Rufo et sa bande, nous nous en sortirons très biens tous seuls. Nous savons depuis longtemps que le jardin d’Eden de la pette enfance se transformera un jour en enfer : la logique de l’existene ne nous a jamais échappé. Vous pouvez dormir sur vos deux oreilles, les saignements ne nous font pas peur : nous avons prévu des stocks de compresses pour panser nos blessures. Autant nous habituer à avoir mal, puisque la vie ne fait que commencer.

 
 

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